La maladie d'Alzheimer, touchant plus de 55 millions de personnes dans le monde selon l'Organisation Mondiale de la Santé, représente un défi majeur pour les individus, leurs familles et les professionnels de la santé. On estime que 60% des personnes atteintes de démence souffrent de la maladie d'Alzheimer. Chaque année, environ 10 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués, soulignant l'urgence de trouver des approches de soins plus efficaces, notamment des méthodes pour le maintien de l'autonomie. Au-delà des symptômes cognitifs tels que la perte de mémoire, la désorientation et les difficultés d'élocution, la maladie d'Alzheimer érode progressivement le sentiment d'identité et d'autonomie de la personne, impactant sa capacité à interagir avec le monde qui l'entoure.
Les approches traditionnelles, bien que nécessaires pour la gestion des symptômes de la maladie d'Alzheimer et le ralentissement de sa progression, se concentrent souvent sur les aspects biologiques et médicaux, laissant de côté l'importance cruciale de préserver l'identité et le bien-être émotionnel des patients. La thérapie narrative offre une perspective complémentaire et humaniste, axée sur la valorisation de l'histoire de vie de la personne, la reconstruction d'un récit significatif malgré la maladie et la promotion de son estime de soi.
Les principes fondamentaux de la thérapie narrative appliqués à l'alzheimer
La thérapie narrative repose sur l'idée fondamentale que notre identité est construite à travers les histoires que nous racontons sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. Dans le contexte spécifique de la maladie d'Alzheimer et des troubles neurocognitifs associés, cette approche vise à aider les personnes à se reconnecter à leur passé, à leurs valeurs, à leurs compétences et à leurs relations significatives, en mettant en évidence les aspects positifs de leur expérience et en minimisant l'impact négatif de la maladie sur leur perception d'elles-mêmes et sur leur qualité de vie.
Externalisation du problème (alzheimer comme une entité distincte)
L'externalisation, un concept clé de la thérapie narrative, consiste à considérer la maladie d'Alzheimer non pas comme faisant partie intégrante de la personne, mais comme une entité distincte qui l'affecte et la défie. En utilisant un langage métaphorique et créatif, on peut parler de "l'Alzheimer qui essaie de voler les souvenirs les plus précieux", de "la brume qui embrouille les pensées et obscurcit le chemin" ou encore du "voleur de mémoire". Cette technique permet de déculpabiliser la personne, de réduire le sentiment de honte souvent associé à la maladie et de renforcer son sentiment de contrôle face à la maladie d'Alzheimer. Elle permet également de mieux se positionner face à l'adversité et de mobiliser les ressources internes pour mieux faire face aux difficultés quotidiennes et aux défis émotionnels.
Par exemple, au lieu de dire "Je suis devenu incapable de me souvenir de quoi que ce soit, je suis un fardeau", on peut dire "L'Alzheimer essaie de m'empêcher de me souvenir des moments importants de ma vie, mais je me bats pour préserver mes souvenirs". Cette simple reformulation peut avoir un impact significatif sur l'estime de soi, la perception de la situation et la motivation à persévérer. Elle permet de se distancer de la maladie et de se concentrer sur les aspects de sa vie qui restent intacts, sur les forces personnelles et sur les relations significatives qui continuent à nourrir le sentiment d'identité.
- Réduction significative de la honte et de l'isolement social.
- Renforcement tangible du sentiment de contrôle personnel.
- Amélioration notable de l'estime de soi et de la confiance en ses capacités.
Identification des "histoires dominantes" et des "histoires alternatives"
Les histoires dominantes sont les récits négatifs, limitants et dévalorisants qui sont souvent associés à la maladie d'Alzheimer et qui peuvent internaliser une vision négative de soi-même, tels que "Je suis inutile, je ne sers plus à rien", "Je suis un fardeau pour ma famille, je leur gâche la vie" ou "Je ne suis plus capable de rien faire correctement, je suis devenu une autre personne". Il est crucial d'identifier ces histoires dominantes, d'en prendre conscience et de les remettre en question en mettant en évidence les histoires alternatives, c'est-à-dire les récits positifs et valorisants qui mettent en lumière les forces, les compétences, les qualités, les réussites et les expériences de résilience de la personne face à la maladie d'Alzheimer.
Par exemple, même si la personne a des difficultés à se souvenir des événements récents, elle peut encore se souvenir avec une grande précision et un vif plaisir des souvenirs de son enfance, de sa carrière professionnelle, de ses passions artistiques ou de ses voyages à travers le monde. En se concentrant sur ces souvenirs positifs, en les partageant et en les célébrant, on peut renforcer son sentiment d'identité, de continuité et de valeur personnelle. Il est également essentiel de faire appel à l'entourage, aux aidants et aux membres de la famille afin de collecter des éléments factuels, des anecdotes et des témoignages permettant de valoriser les compétences, les qualités, les réalisations et les contributions significatives de la personne tout au long de sa vie.
Il est donc essentiel de collaborer étroitement avec les aidants, les soignants et la famille pour identifier ces histoires alternatives, les enrichir et les intégrer dans le récit de vie global de la personne atteinte d'Alzheimer. Cela peut impliquer de partager des souvenirs, des anecdotes, des photos, des lettres et d'autres objets significatifs qui mettent en valeur ses qualités, ses réalisations, ses valeurs et ses relations significatives.
La reconstruction des histoires de vie
La reconstruction des histoires de vie est un processus essentiel de la thérapie narrative appliquée à la maladie d'Alzheimer. Il s'agit de se concentrer intentionnellement sur les forces, les valeurs, les compétences, les réussites passées et les relations significatives de la personne afin de reconstruire un récit de vie cohérent, valorisant et significatif malgré la présence de la maladie et de ses défis quotidiens. Les souvenirs, même fragmentés, incomplets ou imparfaits, peuvent être utilisés comme des éléments de construction pour créer un récit qui donne un sens à l'expérience de la maladie, qui renforce le sentiment d'identité et qui favorise le bien-être émotionnel. On peut par exemple créer un livre de vie regroupant photos et anecdotes.
Il est d'une importance capitale de valider et d'affirmer les expériences de la personne, même si elles ne correspondent pas à la "réalité" objective ou si elles semblent incohérentes. La "vérité" factuelle et la précision chronologique sont moins importantes que le sens émotionnel, la valeur personnelle et l'impact positif du récit sur le bien-être de la personne. Le but ultime est de valoriser le vécu subjectif, d'aider la personne à se sentir entendue, comprise, respectée et aimée pour ce qu'elle est, et non pas seulement pour ce qu'elle se souvient. Chaque individu a une histoire unique, précieuse et irremplaçable, et la maladie d'Alzheimer ne doit en aucun cas la voler ou la réduire au silence. Environ 80% des personnes atteintes d'Alzheimer expriment un besoin fort de partager leur histoire.
- Valoriser et célébrer les souvenirs, même fragmentés ou imparfaits.
- Affirmer l'importance et la valeur de l'expérience vécue, quelle qu'elle soit.
- Donner un sens à la maladie à travers le récit, en la replaçant dans le contexte d'une vie entière.
Le rôle du langage et de la narration
Le langage et la narration jouent un rôle central et déterminant dans la thérapie narrative. Il est impératif d'utiliser un langage positif, respectueux, encourageant et valorisant qui reconnaît la dignité, la valeur et le potentiel de la personne, et qui met en évidence son expérience unique. La narration peut aider à donner un sens à l'expérience de la maladie, à créer un sentiment de continuité malgré les pertes de mémoire et à renforcer le lien entre le passé, le présent et le futur. L'utilisation de métaphores, d'analogies, de contes et d'histoires peut faciliter la communication, l'expression des émotions et la compréhension des concepts abstraits.
Il est crucial de créer un espace sûr, chaleureux, accueillant et bienveillant où la personne se sent libre de partager son histoire sans crainte d'être jugée, critiquée, ridiculisée ou interrompue. L'écoute active, l'empathie profonde et la validation émotionnelle sont essentielles pour établir une relation de confiance, pour encourager la personne à s'exprimer authentiquement et pour l'aider à se sentir comprise, respectée et valorisée. En moyenne, 60% de la communication est non verbale, il est donc essentiel d'y prêter une grande attention et d'adopter une posture ouverte, attentive et réceptive.
Techniques spécifiques de thérapie narrative pour l'alzheimer
Plusieurs techniques spécifiques peuvent être utilisées dans le cadre de la thérapie narrative pour l'Alzheimer, en fonction des besoins, des préférences et des capacités de chaque personne. Ces techniques visent à stimuler la mémoire, à encourager l'expression de soi, à renforcer le sentiment d'identité, à promouvoir le bien-être émotionnel et à faciliter la communication avec les aidants et la famille. L'objectif principal est d'aider la personne à se reconnecter à son passé, à ses valeurs, à ses compétences et à ses relations significatives, en mettant en évidence les aspects positifs de son expérience et en minimisant l'impact négatif de la maladie sur sa qualité de vie.
Le reminiscence therapy intégré à la thérapie narrative
La Reminiscence Therapy est une approche thérapeutique validée qui utilise des photos, des objets, des musiques, des odeurs et d'autres stimuli sensoriels pour évoquer des souvenirs du passé et stimuler la mémoire autobiographique. Lorsqu'elle est intégrée à la thérapie narrative, elle permet de créer des récits de vie plus riches, plus détaillés, plus émotionnels et plus significatifs. En utilisant ces stimuli pour déclencher des souvenirs et des émotions, on peut ensuite encourager la personne à partager ses expériences, ses réflexions, ses valeurs et ses leçons de vie.
Par exemple, on peut créer un album de souvenirs personnalisé avec des photos de famille, des cartes postales de voyages, des diplômes, des lettres d'amour, des recettes de cuisine, des objets artisanaux et d'autres objets significatifs qui représentent les moments importants de la vie de la personne. On peut également écouter de la musique qui était populaire à l'époque de la personne, lui demander de partager des histoires et des anecdotes autour de ces objets, ou encore organiser des séances de cuisine où l'on prépare ensemble des plats traditionnels qui évoquent des souvenirs heureux. Ce type d'approche permet de créer une ambiance apaisante, stimulante et conviviale, et de faciliter la communication et l'expression des émotions.
Les lettres thérapeutiques
L'écriture de lettres thérapeutiques est une technique puissante, créative et expressive qui permet à la personne d'explorer ses valeurs, ses espoirs, ses peurs, ses regrets, ses rêves et ses aspirations profondes. On peut écrire des lettres à soi-même dans le passé, dans le présent ou dans le futur, ou à Alzheimer en tant qu'entité distincte, en lui donnant un nom et une personnalité. Ces lettres peuvent être utilisées pour exprimer sa colère, sa frustration, sa tristesse, sa peur, mais aussi pour se souvenir des moments heureux, des réussites passées, des relations significatives et des leçons apprises.
Par exemple, on peut demander à la personne d'écrire une lettre à son enfant intérieur pour lui dire qu'elle est fière de lui, qu'elle l'aime inconditionnellement et qu'elle prendra soin de lui quoi qu'il arrive. On peut aussi lui demander d'écrire une lettre à Alzheimer pour lui dire qu'elle ne laissera pas la maladie la définir, qu'elle se battra pour préserver sa dignité et sa qualité de vie, et qu'elle continuera à vivre pleinement malgré les défis. On peut également écrire une lettre à un être cher décédé, pour lui exprimer son amour, sa gratitude, son admiration et son regret de ne plus pouvoir partager des moments avec lui.
- Exprimer ses émotions de manière créative, authentique et libératrice.
- Explorer ses valeurs, ses espoirs, ses peurs et ses regrets profonds.
- Se reconnecter à son passé, à son présent et à son futur avec un regard nouveau.
Le "re-membering" (se souvenir ensemble)
Le "Re-membering", un concept central de la thérapie narrative, est une technique qui implique activement les aidants, les soignants et la famille dans le processus de reconstruction narrative. Il s'agit de partager des souvenirs, des anecdotes, des histoires, des photos et des objets significatifs sur la personne, en mettant l'accent sur ses qualités, ses réalisations, ses valeurs, ses contributions et ses relations significatives. Cette technique permet de créer un espace de dialogue ouvert, honnête, respectueux et bienveillant où la personne se sent valorisée, comprise, soutenue et aimée. On peut par exemple organiser des réunions de famille régulières, des repas conviviaux ou des sorties culturelles où l'on partage des souvenirs et des anecdotes.
Il est d'une importance capitale de valider et d'accepter les souvenirs partagés, même s'ils sont inexacts, fragmentés, incohérents ou différents de la version officielle de l'histoire. Le but n'est pas de corriger la personne, de la contredire ou de la juger, mais de lui permettre de partager son histoire telle qu'elle la ressent et de se sentir connectée à sa famille, à ses amis et à sa communauté. La validation et l'acceptation inconditionnelle des souvenirs sont cruciales pour renforcer le sentiment d'identité, d'appartenance et de valeur personnelle.
L'utilisation des arts et des médias
La peinture, la musique, la danse, l'écriture créative, le théâtre, la photographie, le cinéma et les autres formes d'expression artistique et médiatique sont autant d'outils puissants qui peuvent favoriser l'expression de soi, la stimulation cognitive, la régulation émotionnelle et la création de récits. L'utilisation de films, de livres, de chansons, de poèmes et d'autres œuvres d'art peut stimuler la mémoire, susciter des émotions, encourager la réflexion et ouvrir de nouvelles perspectives. L'art-thérapie narrative, une approche spécifique qui combine les principes de la thérapie narrative et de l'art-thérapie, peut être un moyen particulièrement efficace d'explorer les expériences difficiles, de donner un sens à la maladie et de trouver de nouvelles façons de s'exprimer et de se connecter aux autres. Selon une étude, les activités artistiques réduisent l'anxiété de 30% chez les personnes atteintes d'Alzheimer.
Par exemple, on peut proposer à la personne de peindre un tableau représentant un souvenir heureux, de danser sur une chanson qu'elle aimait dans sa jeunesse, d'écrire un poème sur la nature, de jouer un rôle dans une pièce de théâtre, de regarder un film qui lui rappelle de bons moments ou de créer un album de photos commenté. On peut aussi lui lire des histoires qui évoquent des thèmes importants pour elle, comme l'amour, l'amitié, la famille, le courage, la persévérance ou la spiritualité.
Bénéfices potentiels et études de cas
La thérapie narrative offre de nombreux bénéfices potentiels et mesurables pour les personnes atteintes d'Alzheimer, ainsi que pour leurs aidants et leurs familles. Elle peut améliorer significativement l'estime de soi, réduire l'anxiété et la dépression, renforcer les relations sociales et maintenir un sentiment de contrôle et d'autonomie. La thérapie narrative permet également de mieux comprendre le vécu subjectif de la personne malade, de faciliter la communication et de renforcer le lien affectif entre les membres de la famille.
Bénéfices pour la personne atteinte d'alzheimer
L'un des principaux avantages de la thérapie narrative est son impact positif sur l'estime de soi, le sentiment d'identité et la qualité de vie globale. En se reconnectant à leur passé, à leurs valeurs, à leurs compétences et à leurs relations significatives, les personnes atteintes d'Alzheimer peuvent se sentir plus valorisées, comprises, respectées et aimées. La thérapie narrative peut également aider à réduire l'anxiété et la dépression en offrant un espace sûr, chaleureux et bienveillant pour exprimer ses émotions, ses préoccupations et ses frustrations. Selon certaines études cliniques, environ 40% des personnes atteintes d'Alzheimer souffrent de dépression, et la thérapie narrative peut être une approche complémentaire efficace pour améliorer leur bien-être émotionnel.
Elle contribue également au renforcement des relations sociales et du sentiment d'appartenance à une communauté. En partageant leurs histoires avec leurs familles, leurs amis et leurs aidants, les personnes atteintes d'Alzheimer peuvent se sentir plus connectées, moins isolées et plus soutenues. Cela peut également améliorer la communication et l'expression des émotions, en offrant des outils et des techniques pour faciliter l'échange, la compréhension mutuelle et la résolution des conflits.
- Amélioration significative de l'estime de soi et du sentiment d'identité.
- Réduction notable de l'anxiété, de la dépression et du stress émotionnel.
- Renforcement des relations sociales, du sentiment d'appartenance et du soutien émotionnel.
Bénéfices pour les aidants et la famille
La thérapie narrative peut également être extrêmement bénéfique pour les aidants, les soignants et la famille des personnes atteintes d'Alzheimer. Elle peut leur permettre de mieux comprendre la personne malade, son histoire, ses valeurs, ses besoins et ses émotions, de renforcer le lien affectif et de diminuer le stress et l'épuisement professionnel. En participant activement au processus de reconstruction narrative, les aidants peuvent développer de nouvelles stratégies de communication, de compréhension et d'accompagnement, et se sentir plus compétents et plus confiants dans leur rôle.
En moyenne, un aidant familial passe environ 47 heures par semaine à s'occuper d'une personne atteinte d'Alzheimer, ce qui peut avoir un impact significatif sur sa propre santé physique, mentale et émotionnelle. La thérapie narrative permet de mieux comprendre les besoins de la personne malade, d'adapter les soins en conséquence et de prévenir le burnout de l'aidant. Elle peut également aider les aidants à faire face aux difficultés émotionnelles et pratiques liées à la maladie, à trouver du soutien auprès de leur famille et de leur communauté, et à prendre soin d'eux-mêmes.
Il est à noter que le fardeau émotionnel des aidants est significativement élevé. Des études montrent que 60% des aidants familiaux de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer présentent des symptômes de dépression ou d'anxiété.
Présentation d'études de cas concrets
Bien que les études formelles et contrôlées soient encore relativement limitées, plusieurs études de cas cliniques et des témoignages anecdotiques illustrent l'efficacité potentielle de la thérapie narrative pour les personnes atteintes d'Alzheimer. Ces études de cas montrent comment la thérapie narrative peut aider les patients à se reconnecter à leur passé, à exprimer leurs émotions, à maintenir un sentiment de continuité malgré la maladie et à améliorer leur qualité de vie globale.
Dans un cas, une femme de 78 ans atteinte d'Alzheimer a retrouvé un sentiment d'identité et de joie de vivre en participant à un groupe de thérapie narrative où elle partageait des souvenirs de son enfance, de sa carrière d'infirmière et de ses voyages à travers le monde. Dans un autre cas, un homme de 82 ans atteint d'Alzheimer a amélioré sa communication avec sa famille en utilisant des photos, des objets et des chansons pour raconter des histoires de son passé et exprimer ses émotions. Ces exemples concrets témoignent du potentiel de la thérapie narrative pour améliorer la vie des personnes atteintes d'Alzheimer.
Recherche scientifique sur la thérapie narrative et l'alzheimer
La recherche scientifique rigoureuse sur la thérapie narrative et l'Alzheimer est encore en développement et nécessite des études plus vastes, plus contrôlées et plus longitudinales pour confirmer son efficacité à long terme. Cependant, plusieurs études préliminaires ont montré des résultats prometteurs en ce qui concerne l'amélioration de l'estime de soi, la réduction de l'anxiété, la promotion du bien-être émotionnel, l'amélioration de la communication et la diminution du fardeau de l'aidant. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer l'efficacité de la thérapie narrative à long terme, pour identifier les techniques les plus efficaces pour différents types de patients et pour déterminer les facteurs qui contribuent à son succès.
Défis et limites de la thérapie narrative dans le contexte de l'alzheimer
Malgré ses nombreux avantages potentiels, la thérapie narrative présente également des défis et des limites spécifiques dans le contexte de l'Alzheimer, qui doivent être pris en compte par les professionnels de la santé, les aidants et les familles. Les difficultés liées à la perte de mémoire, aux troubles cognitifs, aux troubles de la communication et aux troubles du comportement peuvent rendre plus difficile l'application des techniques de la thérapie narrative. Il est donc essentiel de savoir adapter l'approche au profil, aux besoins et aux capacités de chaque patient.
Difficultés liées à la perte de mémoire et aux troubles cognitifs
La perte de mémoire, les troubles cognitifs, les troubles de l'orientation spatio-temporelle et les troubles exécutifs peuvent rendre plus difficile la participation active et significative de la personne à la thérapie narrative. Il peut être difficile pour elle de se souvenir des événements passés, de communiquer clairement ses pensées et ses émotions, de comprendre les concepts abstraits, de maintenir son attention et de suivre le fil de la conversation. Dans ces cas, il est impératif d'adapter les techniques de la thérapie narrative en utilisant des stimuli visuels, des objets concrets, un langage simple et direct, des phrases courtes et répétitives, et une approche non directive et flexible.
Il est également essentiel d'être patient, compréhensif et encourageant, et de répéter les informations si nécessaire. L'objectif n'est pas de forcer la personne à se souvenir de quelque chose, de la corriger ou de la juger, mais de créer un espace sûr, chaleureux et bienveillant où elle se sent libre de partager ce dont elle se souvient, même si c'est fragmentaire, inexact ou incohérent.
La résistance au changement et le déni de la maladie
Certaines personnes atteintes d'Alzheimer peuvent être résistantes au changement, avoir peur de l'inconnu ou nier leur diagnostic. Dans ces cas, il peut être difficile de les engager activement dans la thérapie narrative. Il est donc crucial d'aborder ces patients avec patience, empathie, douceur et respect, en tenant compte de leurs peurs, de leurs angoisses et de leurs besoins émotionnels. On peut commencer par des activités simples et non menaçantes, comme regarder des photos de famille, écouter de la musique douce ou caresser un animal de compagnie.
Il est également important de ne pas forcer la personne à parler de son expérience si elle ne le souhaite pas, de ne pas la confronter à la réalité de sa maladie et de respecter ses mécanismes de défense. Le but est de créer une relation de confiance, de lui offrir un soutien émotionnel et de lui permettre de s'exprimer à son propre rythme, sans pression ni jugement. La pression ne fera qu'aggraver la situation.
Les considérations éthiques
La thérapie narrative soulève également des considérations éthiques importantes et complexes qui doivent être prises en compte par les professionnels de la santé et les aidants. Il est essentiel de s'assurer que la personne comprend le but de la thérapie, qu'elle y consent librement et qu'elle est en mesure de prendre des décisions éclairées concernant son traitement. Il est également important de protéger sa vie privée, de respecter sa dignité et de veiller à son bien-être émotionnel. Il ne faut jamais manipuler, tromper ou forcer les patients à raconter des histoires qu'ils ne veulent pas partager, et il faut toujours respecter leurs limites et leurs préférences.
Il est important de se rappeler que la personne atteinte d'Alzheimer reste un être humain avec des droits, des valeurs et des émotions. Il est de notre responsabilité de la traiter avec respect, de lui offrir des soins qui tiennent compte de ses besoins et de ses préférences, et de lui permettre de vivre sa vie le plus pleinement possible, malgré la maladie.
Le manque de formation et de ressources
Un autre défi de la thérapie narrative est le manque de formation et de ressources spécifiques dans ce domaine pour les professionnels de la santé et les aidants qui travaillent avec les personnes atteintes d'Alzheimer. Peu de professionnels de la santé sont formés à cette approche, et il existe peu de ressources et d'outils spécifiquement conçus pour répondre aux besoins des personnes atteintes d'Alzheimer et de leurs aidants. Il est donc essentiel d'investir dans la formation des professionnels, dans le développement de ressources adaptées et dans la promotion de la recherche dans ce domaine, afin que la thérapie narrative puisse être accessible à tous ceux qui pourraient en bénéficier. Aujourd'hui, on estime que seulement 20% des professionnels de la santé sont formés à la thérapie narrative, ce qui souligne l'urgence d'agir.
Il est également important de promouvoir la collaboration interdisciplinaire entre les professionnels de la santé, les aidants et la famille pour créer un environnement favorable à la narration, à la préservation de l'identité et au soutien émotionnel.
Conclusion
En conclusion, la thérapie narrative se présente comme une approche prometteuse, innovante et humaniste pour aider les personnes atteintes d'Alzheimer à préserver leur identité, à renforcer leur estime de soi, à améliorer leur qualité de vie et à mieux faire face aux défis de la maladie. En se concentrant sur les forces, les valeurs, les compétences et les expériences positives de la personne, la thérapie narrative peut aider à contrer les effets négatifs de la maladie et à promouvoir le bien-être émotionnel. Malgré les défis et les limites, cette approche offre une opportunité précieuse de reconnecter les personnes atteintes d'Alzheimer à leur histoire, à leurs valeurs et à leur identité, et de leur permettre de continuer à vivre une vie pleine de sens, de dignité et de joie.
Il est essentiel d'encourager la recherche et le développement de nouvelles approches de thérapie narrative adaptées à l'Alzheimer, de former davantage de professionnels à cette approche et d'intégrer la thérapie narrative dans les programmes de soins et de soutien aux personnes atteintes d'Alzheimer et à leurs familles. En collaboration avec les professionnels de la santé, les aidants et la famille, nous pouvons créer un environnement favorable à la narration, à la préservation de l'identité et au soutien émotionnel, et offrir aux personnes atteintes d'Alzheimer la possibilité de continuer à écrire leur propre histoire, malgré la maladie.
Il est temps d'explorer davantage la thérapie narrative comme une option de soin précieuse et efficace pour les personnes atteintes d'Alzheimer, et de leur donner la possibilité de continuer à s'épanouir et à vivre une vie pleine de sens et de valeur, malgré les défis.